La casanou, Mouscron

Cette maison d'accompagnement a ouvert ses portes en octobre 2020.

Dans cette maison, nous avons interviewé :

COORDONNÉES:
www.lacasanou.be
lacasanou@chmouscron.be
Rue de la Coquinie 16, Mouscron
056/91 11 66
Coordinatrices: France Willemot & Hélène Werbrouck

Visiteuse Catherine: "Ici, dans ce cocon rassurant, je me suis épanouie. Rien que son nom le prouve: ‘La casanou’, la maison qui nous appartient."

"Je voulais être plus que ma maladie"

Visiteuse Nancy - Est venue à La casanou pour des conseils en image

À La casanou, la coiffeuse styliste Patricia prodigue des conseils en image aux personnes atteintes d’un cancer: des trucs et astuces sur les couleurs, les boucles d’oreille, le maquillage qui leur conviennent. “Parfois, les personnes extérieures ne comprennent pas pourquoi de tels détails ont de l’importance pendant le traitement d’un cancer, explique la visiteuse Nancy. Mais ce traitement est si agressif qu’à la longue, on ne se reconnaît plus dans le miroir. Sans parler de la disparition des cheveux et du ou des seins. Mon propre visage et même mon regard m’étaient devenus étrangers. Mentalement, c’est très dur."

"D’autant que la vie sociale est également impactée. Quand on ne se reconnaît pas soi-même, il n’est pas facile d’approcher quelqu’un pour engager la conversation, surtout s’il s’agit d’une personne inconnue.”

“Un jour, ma filleule de quatre ans m’a demandé: ‘Pourquoi tu te transformes en cauchemar?’ Elle disait tout haut ce que les adultes pensaient tout bas. J’ai alors choisi un foulard avec elle. Et je l’ai laissée me maquiller le visage. Je ne voulais pas cacher que je traversais une mauvaise passe. Mais, en même temps, je voulais montrer que, même dans ces circonstances, on peut tenir le coup.”

“Je voulais rester coquette. Pour moi-même et pour mon entourage. Parce que, si mes proches s’étaient trop inquiétés, j’aurais dû les rassurer encore plus. Et j’avais besoin de toutes mes forces pour moi-même.”

"L’ennui, c’est que je continuais à m’habiller et à me maquiller comme avant. Or, ce qui vous va bien quand vous êtes en forme ne vous avantage pas nécessairement quand vous avez perdu vos cheveux ou que le traitement vous donne un teint gris. Pour trouver ce qui pouvait encore me mettre en valeur, j’avais besoin de conseils.”

"Mon propre visage m’était devenu étranger. Mentalement, c’est très dur."

Nancy: "Pendant un traitement anticancéreux, il faudrait prescrire une visite à cette maison, au même titre que des médicaments."

“En principe, j’aurais pu m’adresser à n’importe quel styliste. Mais les stylistes, c’est cher, tout comme les coiffeurs. Et la maladie grignotait déjà une bonne partie de mon budget. Ici, Patricia a pu m’aider, et je n’ai payé que trois euros par séance. De plus, ses conseils sont facilement applicables à domicile. Parfois, la solution tient à des vêtements qui traînent depuis longtemps dans vos placards.”

“Patricia me disait par exemple: ‘Avec ce foulard, tu devrais peut-être porter des boucles d’oreille un peu plus grandes’ et ‘Avec cette robe, tes boucles d’oreille en argent feraient beaucoup d’effet’. C’est ainsi que, petit à petit, je me suis retrouvée. Différente de ce que j’avais été, mais de nouveau à mon goût. Ça m’a donné de la confiance en moi et de la force.”

"Guérir physiquement du cancer ne suffit pas: il faut aussi en guérir mentalement."

“Quand on a de nouveau bonne mine, les gens disent parfois: ‘Ça y est, c’est terminé’. Il n’en est évidemment rien, mais, grâce à cette idée fausse, la maladie ne reste pas leur seul sujet de conversation: on peut enfin parler d’autre chose. J’ai fait de mon mieux pour en arriver là. Aux réunions de parents, je ne voulais pas être ‘la maman malade’. Ce que je voulais, c’était être une maman, malade sans doute, mais qui avait aussi ses bons jours. Je voulais être plus que ma maladie.”  

“Pendant un traitement anticancéreux, il faudrait prescrire une visite à cette maison, au même titre que des médicaments. Car guérir physiquement du cancer ne suffit pas: il faut aussi en guérir mentalement. Pour moi, une séance chez Patricia équivaut à un rendez-vous médical."

Nancy pendant une consultation avec Patricia.

"Nous écoutons sans juger”

Dominique est bénévole à La casanou. En tant que bénévole-accueillante, elle y accueille les visiteurs.

Dominique: "Comme les autres hôtes, j’ai bénéficié ici d’une formation de deux jours dispensée par un psychologue. Pour moi, ça s’est révélé une véritable plus-value. J’ai appris que l’authenticité est importante pour une hôtesse, mais qu’elle doit en même temps respecter certaines règles."

"La déontologie, la confidentialité et la prudence constituent des principes essentiels pour travailler sur un sujet aussi sensible. Mouscron est une petite ville. Quand des personnes que je connais se présentent, je m’empresse de leur préciser que rien de ce qui se dit ici n’en sort.”

Grâce à la formation que nous avons reçue, nous pouvons, comme bénévoles, offrir une touche professionnelle."

"Notre rôle est d'écouter les visiteurs si - et seulement si - ils veulent parler. Nous sommes là pour les écouter si elles en ont besoin et surtout pour leur changer les idées."

Dominique, qui est active à La casanou comme accueillante: "Nous avons appris à écouter avec un grand respect pour les choix des gens."

"Nous n’interrogeons pas: nous écoutons d'une manière active. Et, en tant qu’hôtes, nous les encourageons subtilement à en dire davantage, à exprimer ce qu’elles souhaitent. De petits mots suffisent, un signe de tête, un sourire. Et, quand elles tombent dans le silence, nous relançons la conversation en reprenant quelques mots de leur histoire.”

“Pendant la formation, nous avons appris à écouter avec un grand respect pour les choix des gens, leurs refus, leur évolution. Nous faisons sentir à nos visiteurs que nous écoutons sans jugement."

“Grâce à la formation que nous avons reçue, nous pouvons, comme bénévoles, offrir une touche professionnelle. Ça nous permet de recevoir nos visiteurs de manière qualitative.”

“C’était tellement bouleversant de pouvoir encore se sentir”

Catherine a reçu le premier massage de sa vie à La casanou

Catherine: "La chimiothérapie a gravement endommagé ma peau. Pas mon visage ni mes mains, mais le reste si."

"J’avais beaucoup de mal à supporter l’impact des traitements sur mon corps. J’avais difficile à accepter. À la maison, j’avais accroché un poster d’oeuvre d’art sur le miroir de ma salle de bains. Je refusais la confrontation. La maladie m’avait frappée dans mon intimité.”

“Quand je me suis présentée pour la première fois à La casanou pour un massage, j’avais très peur. Heuresement, je connaissais Martine, qui en était chargée. Ça m’a aidée. Mais ça n’en restait pas moins difficile. Je me suis déshabillée en toute hâte et j’ai vite été m’allonger sur la table."

“Pendant et après ce premier massage, j’ai beaucoup pleuré. C’était tellement bouleversant de sentir toute cette pression quitter mon corps. Tellement bouleversant de pouvoir encore se sentir. D’avoir encore un corps. D’être encore vivante.”  

Catherine: "Pendant et après ce premier massage thérapeutique, j’ai beaucoup pleuré."

Avant, mon emploi du temps était si chargé que je m’occupais constamment des autres, en m'oubliant. Pendant ce premier massage thérapeutique, je me suis rendu compte qu’à présent, quelqu’un d’autre prenait soin de moi. C’était très émouvant. Quelqu’un… (les larmes lui montent aux yeux) Quelqu’un s’occupait de moi. J’avais oublié que c’était possible.”

"Quelqu’un s’occupait de moi. J’avais oublié que c’était possible.”

“Et ça allait bien au-delà du massage en soi. C’était une question de contacts humains. ‘N’hésitez pas à pleurer', disait Martine. 'C’est normal. Ça vous fera du bien.' Cette phrase que je disais si souvent aux autres, quelqu’un me la disait à moi.”  

“Cette maison a été une bénédiction pour moi. Grâce aux

massages, mais aussi grâce aux personnes que j’ai rencontrées ici. Hélène, qui est coordinatrice ici, m’a dit tout à l’heure à propos de cet entretien: ‘Ça va bien se passer, cette interview! Parler, ça n’a jamais été un problème pour toi!’ Pourtant, si je m’exprime facilement, c’est seulement depuis que je fréquente cette maison. De nature, je suis quelqu’un de très réservée. Mais ici, dans ce cocon rassurant, je me suis épanouie.” 

“Rien que son nom le prouve: ‘La casanou’, la maison qui nous appartient. Et puis cette fleur et cette coccinelle dans le logo. L’aspect familial. C’est une vraie maison. L’effet n’aurait sûrement pas été le même sur moi si ce projet avait été développé à l’hôpital.”

“J’ai effectivement les larmes aux yeux en racontant tout cela, mais ces larmes sont dues à une émotion positive.”