L'Intermède, Mons

Cette maison d'accompagnement est ouverte depuis décembre 2019. Elle est voisine d’un hôpital montois, le Centre Hospitalier Universitaire Ambroise Paré, dont elle fait partie.

Dans cette maison, nous avons interviewé :

COORDONNÉES:
Website L'Intermède
intermede@hap.be
Rue des Apôtres 46, 7000 Mons
065 41 82 07 (seulement les lundis et jeudis)
Coordinatrice : Hélène Letho

Isabelle (droit): "Parfois, quand je revenais de L'Intermède, ma fille me demandait: 'Maman, tu tiens la forme! Comment ça se fait?’"

"Fréquenter cette maison a changé ma vie"

Isabelle, qui a bénéficié à L’Intermède de la technologie PSIO, combinant luminothérapie et relaxothérapie

Isabelle: “Trois ans après mon opération, je n’allais pas bien. J’étais très préoccupée par ma santé. La nuit, je restais éveillée des heures durant. Parfois, je souffrais tellement que j’étais obligée de sortir du lit et d’aller m’asseoir. Mon sommeil était complètement perturbé.

Le matin, j’allais travailler. Mais, quand je rentrais à la maison, je me sentais tellement fatiguée. Le plus souvent, je me blottissais immédiatement

"Ici, j’ai trouvé la force de mener à nouveau une vie normale.  

sous la couette, parfois sans même manger un morceau, et je dormais jusqu’à dix-sept heures. Ensuite, je me levais, grignotais quelque chose, enfilais mon pyjama et retournais me coucher.

Bien sûr, je commençais par faire un tour avec le chien. Mais c’était seulement parce que la pauvre bête avait besoin de sortir. Pas parce que ça me faisait plaisir. Rien ne me faisait plus plaisir. Je n’avais plus envie de rien, plus d’énergie pour rien. Tout m’énervait. J’étais une véritable épave. Je n’en pouvais plus. À l’hôpital, ils m’ont conseillé de m’adresser à L’Intermède. C’est là que j’ai découvert le PSiO.”

Le PSiO, ce sont des lunettes qui combinent la stimulation par la lumière et la relaxation.  Cette technologie utilise la voix, la musique et les effets de lumière.  

Nancy, qui est infirmière à l’hôpital et participe aux activités de L’Intermède, explique: “Ces lunettes comportent une série de programmes. Quand Isabelle nous disait qu’elle avait besoin de se détendre, nous lui choisissions un programme avec lumière rouge. Si elle précisait qu’elle était très fatiguée, nous passions à un programme avec lumière bleue, qui agit sur la sécrétion de la mélatonine, la fameuse ‘hormone du sommeil’.” Chaque programme dure de 5 à 30 minutes.  

Isabelle: "Je me suis vite rendu compte que, pour moi, le PSiO marchait."

Isabelle: “Je me suis vite rendu compte que, pour moi, ça marchait. À midi, au lieu de rentrer chez moi après le travail, je venais directement ici. Tout au long de cette période où j’allais vraiment mal, j’y venais même jusqu’à trois fois par semaine. Lors des séances de PSIO,  je me sentais comme détachée du monde. Souvent, il m’arrivait de m’assoupir pendant la séance.” Nancy: “C’est possible. Et ça prouve que les programmes font de l’effet.”

"Tout au long de cette période où j’allais vraiment mal, j’y venais même jusqu’à trois fois par semaine."

Isabelle: “Chaque fois, les premiers effets se manifestaient déjà au bout de quelques heures. Et ils se prolongeaient le lendemain.

Parfois, quand je revenais de L'Intermède, ma fille me demandait: 'Maman, tu tiens la forme! Comment ça se fait?’ J’avais repris goût à la vie. Je me suis remise à bricoler. Et l’impact positif sur mon sommeil n’a pas tardé.  Fréquenter cette maison a changé ma vie. J’ai trouvé la force de mener à nouveau une vie normale.  

Désormais, je ne viens plus aussi souvent, parce que je n’en ai plus autant besoin”. Nancy: "C’est exactement le but".

"Les visiteurs deviennent des acteurs dans le processus qu’ils traversent”

Delphine, qui pratique la sophrologie olfactive à L'Intermède

Comme Nancy (voir ci-dessus), Delphine est infirmière à l’hôpital voisin. Et elle aussi apporte sa pierre à L’Intermède, en proposant aux visiteurs la sophrologie olfactive. “Il s’agit de combiner des exercices de respiration et de relaxation avec l’absorption d’une odeur.

Les huiles essentielles stimulent notre système limbique,  qui est en corrélation avec nos émotions. Une odeur peut nous faire revivre un stress ou même une douleur. Mais, si nous l’associons à une expérience positive, elle peut nous soulager.

"Les huiles essentielles stimulent notre système limbique,  qui est en corrélation avec nos émotions."

Delphine: "Les gens sont heureux de pouvoir compléter leurs traitements médicaux lourds par des moyens naturels."

L’effet est très individuel. Prenez par exemple l’odeur de la lavande. Telle personne l’associe aux sachets antimites autrefois placés dans les garde-robes, et donc à quelque chose de négatif: les mites. Chez telle autre, elle évoque le souvenir – agréable - d’une grand-mère chez qui le linge de lit sentait bon la lavande. Dans une première phase, nous recherchons pour chacun(e) une odeur qu’il ou elle apprécie. Dans une deuxième phase, nous faisons des exercices de respiration.

Au quotidien, notre respiration est souvent très superficielle, surtout dans les situations stressantes, c’est-à-dire précisément quand nous avons besoin d’un supplément d’oxygène. Les exercices que j’enseigne apprennent à respirer de façon très consciente. Dans un premier temps, la personne place une main sur son ventre et une sur son dos. Lorsqu’elle inspire par le nez, elle gonfle le ventre et ses mains s’écartent. Quand elle expire en soufflant par la bouche, ses mains se rapprochent à nouveau. Ensuite, je lui demande de s’imaginer qu’elle fait bouger la flamme d’une bougie

sans l’éteindre. Son attention se détourne ainsi des préoccupations qui les stressent. C’est apaisant.

À la fin,  je lui donne un stick avec l’odeur qu’il ou elle apprécie. Elle la sent et effectue des exercices de respiration. Plus souvent elle les répétera, ici et chez elle, plus son organisme associera cette odeur à l’effet calmant des exercices. À la longue, elle peut réduire elle-même son niveau de stress, sans mon aide, avec ce stick et les exercices.

Les réactions sont très positives. Les gens sont heureux de pouvoir compléter leurs traitements médicaux lourds par des moyens naturels – les huiles essentielles sont des extraits de plantes. Ils deviennent ainsi des acteurs du processus qu’ils traversent. Pour beaucoup, c’est une nécessité, car, à l’hôpital, ils subissent passivement les traitements. Le volet médical est évidemment irremplaçable, mais la sophrologie olfactive constitue un complément précieux.”

"C’est après les traitements que j’ai le plus souffert"

Valérie, qui a suivi le photothérapie chez Virginie à L'Intermède 

Valérie: “Il m’a fallu plus d’un an pour obtenir le bon diagnostic. Longtemps, je me suis entendu dire que c’était dans ma tête. ‘Si vous voulez que nous trouvions quelque chose, Madame, nous finirons par trouver.  Laissez tomber!‘ Heureusement, je n’ai pas cédé. Sinon, je serais morte.

Perdre mes cheveux, je pouvais l’accepter. Je savais qu’ils repousseraient. L’ennui, c’est qu’ils sont revenus tout différents de ce qu’ils étaient. C’est incroyablement dur de ne plus se reconnaître dans le miroir.

Virginie: "Réfléchir ensemble, puis transmettre ce que quelqu’un ressent à travers une photo, c’est une sorte de rituel."

Valérie (droit): "C’est incroyablement dur de ne plus se reconnaître dans le miroir."

J’avais beau me sentir mal, tout le monde m’affirmait que j’avais l’air en pleine forme. À la longue, cette formule m’est devenue insupportable. Je détestais ma nouvelle coiffure. Et rien, dans mon aspect extérieur, ne révélait combien je souffrais intérieurement.  

Je ne trouvais pas beaucoup de compréhension dans mon entourage. Aussi longtemps qu’on est sous chimio, on bénéficie du statut de malade. Mais, dès la fin des traitements, c’est terminé. ‘Arrête de te plaindre, me disait-on. Tu es guérie, tout est rentré dans l’ordre.’ Or, c’est précisément à ce moment-là, après les traitements et la reconstruction, que ma souffrance a atteint son paroxysme. Je devais reprendre le fil de ma vie, mais ma vie d’autrefois avait

disparu. Une vie nouvelle m’attendait, et cette perspective me terrifiait.

De plus, à cause de la chimio, j’avais des trous de mémoire. J’en ai parlé à une amie qui n’avait pas l’expérience du cancer. ‘À la cinquantaine, c’est tout à fait normal, m’a-t-elle répondu. Ne t’inquiète pas, ça m’arrive aussi.’ C’était toujours le même scénario: ce que j’endurais n’existait pas.

Ici, à L’Intermède, j’ai trouvé des gens aussi meurtris que moi. Et beaucoup de compréhension. Avec trois autres visiteurs, je me suis inscrite à la photothérapie, sans bien savoir ce qui m’attendait.”

"Je devais reprendre le fil de ma vie, mais ma vie d’autrefois avait disparu."

Virginie, qui est photographe, a suivi une formation chez Émilie Danchin, LA référence belge en photothérapie. “Comme photographe, il y a une chose que je ne fais pas en photothérapie: utiliser une personne pour obtenir une image.  Je prends des photos, mais je ne dis pas: on va faire comme ci et comme ça, clic, top! En photothérapie, le photographe est un outil entre les mains des participants. Du début à la fin, ce sont eux qui dirigent.

Peu importe que le résultat soit esthétique ou techniquement impeccable. L’important, c’est le message exprimé par la photo.  Qu’est-ce qui doit s’en dégager, selon la personne qui pose? Pour le découvrir, nous commençons par parler. Pendant les premières séances, l’appareil photo reste dans sa housse.”

Valérie: "Je voulais que cette souffrance intime et fondamentale que j’éprouvais soit reconnue."

“Ce qui ne saute pas aux yeux ne suscite généralement que peu d’attention."

Valérie: “Ce qui est ressorti, chez moi, c’est mon besoin de reconnaissance. Je voulais que cette souffrance intime et fondamentale que j’éprouvais soit reconnue. Je ne me considérais pas comme guérie, je n’avais pas l’impression que le cancer était derrière moi, je me voyais comme une personne en rémission, à qui les traitements et les interventions chirurgicales avaient infligé des blessures incurables. C’est toujours le cas, et il en ira ainsi jusqu’à la fin de mes jours”.

Virginie: “Ce qui ne saute pas aux yeux ne suscite généralement que peu d’attention. Réfléchir ensemble, puis transmettre ce que quelqu’un ressent à travers une photo, c’est une sorte de rituel. Une manière d’avouer sa fragilité. Comme de porter des vêtements noirs en signe de deuil. La société actuelle manque cruellement de rituels.

Je suis émerveillée par l’apport de la photothérapie. Une des participantes a couru s’acheter de nouveaux vêtements.  Subitement, elle se voyait d’une manière toute différente. Les gens ne se rendent pas toujours compte des émotions suscitées par le fait de se voir en photo.”

"Il y avait longtemps que je n’avais pas autant pleuré."

Valérie: “Pour moi aussi, l’effet a été considérable. Je savais depuis longtemps que ma nouvelle coiffure ne me plaisait pas, mais, après la photothérapie, j’ai décidé d’agir, et j’ai demandé à mon coiffeur une coiffure plus proche de ce qu’elle était avant.  

Je ne me serais jamais imaginée posant de cette manière. Et mon mari non plus. Il ne savait même pas ce que j’avais entrepris. (Les larmes aux yeux.) Quand je lui ai montré la photo, ça l’a bouleversé. Pourtant, ce n’est pas un homme qui s’émeut facilement. Il était si surpris de mon audace. Je lui ai demandé si je pouvais montrer cette photo à d’autres. ‘Tu dois la montrer’, m’a-t-il dit. (Rire.) Il y avait longtemps que je n’avais pas autant pleuré.”

La photo que Valérie a fait prendre par Virginie à la fin du photothérapie.